- 29 Juillet 2015 - Biodôme : Portrait d'animal
Comme toutes les créatures dans le règne animal, les paresseux doivent prendre un moment pour l’excrétion des déchets métaboliques, afin de régulariser leurs fonctions corporelles. En bon français, ils doivent aller à la toilette! Or, de tous les mammifères arboricoles, ils sont les seuls à avoir développé une habitude étonnante : même s’ils se retrouvent dans la canopée de la forêt, ils descendent jusqu’au sol pour faire leurs besoins. Cet étrange rituel a laissé les scientifiques perplexes : pourquoi un paresseux dépenserait-il tant d’énergie et se rendrait-il vulnérable, alors que les primates se contentent d’un simple mouvement de queue, du haut de leur branche? À l’échelle humaine, c’est l'équivalent de courir 5 km avant d’aller à la salle de bain…
La paresse du paresseux : une adaptation évolutive
Le paresseux, dont le principal prédateur est l'aigle harpie, assure sa survie surtout par un comportement extrêmement lent et cryptique. Il se déplace si lentement de branche en branche que, la plupart du temps, le mouvement n'attire pas l'œil de l'aigle. Il poursuit ainsi sa lente vie, mangeant les feuilles de la canopée, dormant et fermentant son repas dans son estomac. Sa diète, faible en énergie, est quand même suffisante pour son faible métabolisme.
Triangle amoureux
De toutes les hypothèses émises, celle retenue par la communauté scientifique est une belle histoire de mutualisme, c'est-à-dire une interaction bénéfique entre deux ou plusieurs espèces vivantes.
En nature, le pelage du paresseux est un véritable écosystème, où vit une algue verte (Trichophilus spp.) et le papillon pyrale (Cryptoses spp.). Lorsque le paresseux descend faire ses selles, la colonie de papillons se met à grouiller et pond ses œufs sur les excréta. À leur éclosion, les larves se nourrissent ensuite des fèces. Le cycle se complètera à la prochaine descente du paresseux, quand les larves devenues adultes pourront rejoindre la colonie de l’écosystème en y apportant des nutriments, le principal étant l’azote, un fertilisant pour la croissance des algues vertes. On estime que les papillons morts et les excréments des papillons fournissent également l’azote nécessaire à la croissance d’algues. Celles-ci seront à leur tour consommées par le paresseux, car elles fournissent un carburant riche en glucides et en lipides. En prime, elles créent un effet camouflage pour notre cher maître de la lenteur!
L’éloge à la lenteur
Même en comprenant mieux la biologie et l’évolution du paresseux, je suis toujours émerveillée qu’en 2015, nous partagions notre planète avec une créature si différente. L’Homo sapiens pourrait-il être un peu plus « paresseux » et vivre davantage en contemplation, plutôt qu’en consommation? Si un visiteur me demande pourquoi il est difficile de voir un paresseux, que ce soit en nature ou ici, au Biodôme, je lui répondrai que ce n’est pas juste un mode de vie, c’est sa stratégie de survie!