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Des insectes nocturnes sous l’œil attentif de l’Insectarium

Le système AMI en action
Credit: Espace pour la vie/Thierry Boislard
Le système AMI en action
  • Le système AMI en action
  • Le groupe de scientifiques dans la forêt tropicale de l'île de Barro Colorado au Panama
  • La Smithsonian Tropical Research Institute sur l’île de Barro Colorado au Panama
Des insectes nocturnes sous l’œil attentif de l’Insectarium

AMI : l’intelligence artificielle dans un piège à insectes

Maxim Larrivée, directeur de l’Insectarium de Montréal, et moi-même, assistant entomologiste au musée, nous nous sommes rendus au Panama en janvier 2023 pour nous joindre à un groupe de recherche international de développement d’un système de surveillance automatisé des insectes nocturnes. Cet appareil s'appelle AMI, pour Autonomous Monitoring of Insects, et peut enregistrer la présence de milliers d’insectes chaque nuit. L’idée de ce système à la fine pointe de la technologie est née dans la tête de Kim Bjerge et Thomas Toke Høye, deux chercheurs de l’Université d’Aarhus au Danemark. La beauté d’AMI est qu’il est 100% autonome grâce à sa batterie et ses panneaux solaires et que, contrairement aux humains, il ne se fatigue jamais! Nuit après nuit, AMI s’active automatiquement. Sa lumière UV s'allume et attire les insectes sur une surface blanche. Le mouvement de ceux-ci sur la surface déclenche une caméra haute définition qui immortalise leurs portraits. Il s’agit d’une méthode de piégeage non létale, puisque les insectes ne sont pas capturés. Ils peuvent quitter à n’importe quel moment. Les milliers de photos prises sont enregistrées dans le « cerveau » d’AMI : un disque dur relié à un micro-ordinateur. Une séquence de trois algorithmes d’intelligence artificielle (IA) analyse ensuite chaque pixel pour dénombrer et identifier les insectes photographiés.

Mieux comprendre le déclin des populations d’insectes

De plus en plus d’études indiquent que les populations d’insectes à l’échelle mondiale déclinent en biodiversité et en biomasse. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer les causes de ce déclin, mais il est difficile de déterminer les principaux facteurs par manque de données. Il est actuellement compliqué de faire des suivis standardisés des populations d’insectes puisque les méthodes traditionnelles d’inventaire demandent énormément de main-d'œuvre pour l’installation et les relevés des pièges ainsi que la préparation et l’identification des spécimens capturés. Le nombre de sites échantillonnés et/ou la fréquence d’échantillonnage sont donc faibles et ne permettent pas d’offrir un portrait authentique de la situation des milliers d’espèces d’insectes dans un écosystème. Ces écosystèmes sont aussi bien souvent éloignés et difficiles d’accès. De plus, les pièges traditionnels sont presque tous létaux : les insectes sont tués pour ensuite être dénombrés et identifiés. C’est le manque de données qui a motivé les scientifiques à joindre leurs forces pour développer un piège non létal de surveillance automatisé des insectes.

Tester le système dans des conditions difficiles

L’objectif principal de l’expédition au Panama était de tester le système dans la forêt tropicale. Cet écosystème pose des défis pour AMI : humidité, chaleur, accès difficile, panneaux solaires inefficaces à cause de la canopée, importantes chutes de branches et de feuilles, etc. Toutefois, la forêt tropicale est l’écosystème où le déploiement d’AMI pourrait être le plus profitable, car la communauté d’insectes y est extrêmement diversifiée, mais étonnamment très peu connue. Ce manque de connaissances pose un autre défi de taille pour AMI : son IA peine à identifier les insectes photographiés. La base de données sur laquelle s’appuie l’IA pour ses analyses n’est pas suffisamment garnie. Nous nous sommes donc rendus à la Smithsonian Tropical Research Institute sur l’île de Barro Colorado pour mener plusieurs ateliers et faire quatre nuits de tests. En étudiant les tonnes de photos prises par AMI lors de ce court voyage, nous estimons avoir recensé plus de 500 espèces de papillons de nuit! Le plus incroyable? Environ 125 seraient de nouvelles espèces. Une preuve de la pertinence d’un outil comme AMI pour mieux comprendre les insectes et apprendre à les protéger.

Références

Pour en découvrir plus sur le rôle essentiel des insectes et arthropodes
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