- 30 Août 2022 - Planétarium : Actualités astronomiques, Expérience
Est-ce que les pays engagés dans des programmes spatiaux partagent les résultats de leurs travaux et de leurs recherches entre eux? Au niveau de la compétition technologique, y a-t-il un partage d'informations?
L'espace, un milieu compétitif?
À priori, on pourrait penser que l'espace est un milieu très compétitif. Le meilleur exemple pour l'appuyer est l'exigeante sélection des astronautes. Deux ou trois domaines doivent faire partie de leur expertise et leur formation surhumaine dure plusieurs années. Si les États forment des spécialistes de la sorte, un retour est donc attendu et les résultats de recherches doivent être très protégés.
Heureusement, la science n'est pas aussi compétitive. Elle n'occupe qu'une partie des programmes spatiaux. Le télescope James Webb est un bon exemple de collaboration.
Presque toutes les données prises par le télescope spatial James Webb seront disponibles dès leur acquisition pour l'ensemble de la communauté scientifique ainsi qu'au grand public. Seule une petite partie de ces données sera protégée pour quelques mois. C'est ce qu'on appelle le temps garanti. Cette période permet aux équipes scientifiques qui ont investi temps et argent dans la construction du télescope d'avoir un accès privilégié aux données.
Un programme spatial, ça inclut quoi?
Les programmes spatiaux sont très vastes. Ils incluent les programmes astronomiques, militaires, de télécommunication, en passant par tous les programmes d'observations de la Terre : observation du climat, de l'agriculture, de l'eau, de l'énergie et de la météo.
La coopération scientifique et la compétition technologique
Il faut bien distinguer les deux domaines que sont la science et la technologie.
La coopération scientifique s'exprime dans la capacité des organisations à travailler en commun pour définir des programmes scientifiques. Le télescope spatial James Webb est ainsi le fruit d'une collaboration entre trois agences spatiales. C'est un exemple de coopération scientifique depuis 1998 qui a vu son aboutissement lors de son lancement et se poursuivra durant plusieurs années, avec le partage des données.
Toutefois, les données scientifiques brutes issues des observations ne peuvent être directement utilisées. Elles doivent être préparées : nettoyées et calibrées. Ce travail est généralement effectué par des équipes composées essentiellement de chercheuses et chercheurs postdoctoraux qui participent aux programmes spatiaux. Pour l'avancement de la science, ce partage ouvert est nécessaire. Il peut toutefois être, en partie, pénalisant. Ces jeunes scientifiques passent beaucoup de temps à la préparation de ces données sans avantage concurrentiel.
Si la production des données scientifiques est globalement très ouverte dans le domaine spatial, le développement des technologies qui en ont permis la récolte est un domaine bien fermé. On parle de compétition technologique.
Les échanges se font entre partenaires, au moyen de clauses de confidentialité et de définition de propriété intellectuelle avant, pendant et après les projets. Ce sont de véritables contrats qui, souvent, prennent un temps incroyable à signer car ils impliquent des États, des universités, des entreprises et des militaires.
Le secret militaire a-t-il un impact dans le domaine spatial scientifique?
Les États sont très réticents à partager des technologies qui pourraient, après coup, mettre en danger leur sécurité nationale. L'astronomie infrarouge en est un bon exemple.
L'étude des longueurs d'ondes infrarouges (IR) est utile en astronomie pour la recherche des exoplanètes ou l'origine des galaxies. Elle sert aussi dans le domaine militaire, pour l'observation des puissances adverses ou la conception d'armes sophistiquées.
Ainsi, les capteurs IR développés dans le cadre d'activités militaires peuvent être utilisés en astronomie, mais dans un environnement très contrôlé. Il existe deux programmes de contrôle des marchandises :
- Le programme de marchandises contrôlées du Canada (Sécurité industrielle en temps réel intégré - SITI).
- Le programme ITAR des États-Unis (International Traffic in Arms Regulations).
La commercialisation de l'espace
Dans le domaine de la commercialisation de l'espace, la compétition, dominée par des intérêts financiers, empêche le partage de l'information. Seules deux ou trois entités privées participent à cette course effrénée de la conquête spatiale. La seule régulation qui existe encore aujourd'hui est le traité de l'Espace de 1967. À l'époque, ce traité ne concernait que la militarisation de l'espace.
Ce texte est une adaptation d'une chronique diffusée le 2 novembre 2021 à l'émission Moteur de recherche, sur les ondes d'ICI Radio-Canada Première.