Comme des grains de sable sur une plage, dans la voute céleste coexistent l’impermanence et l’immuabilité. Si l’observation des étoiles a longtemps imprimé une vision d’éternité à nos cosmologies, c’est pourtant le mouvement des astres du système solaire qui définit notre relation au temps.
L’équinoxe d’automne de ce 22 septembre en est le parfait exemple : à 15h21, l’alignement de l’équateur terrestre avec le Soleil, environ 150 millions de kilomètres (ou une unité astronomique) plus loin, marque un nouveau changement de saison. Mais une autre façon à travers laquelle l’observation du ciel nous invite à prendre connaissance de notre place dans le cosmos, c’est par les distances littéralement astronomiques qui nous séparent de ce qui y flotte — distances dans l’espace, mais aussi dans le temps.
Pour se mouiller les pieds
En ce mois de septembre 2021, l’objet céleste le plus proche accessible à notre regard sera sans surprise notre fidèle acolyte, la Lune. Pour la lunaison débutant avec la nouvelle lune du 6 septembre, c’est le 11 que l’orbite elliptique de notre satellite naturel l’amène au plus près de nous, à 368 463 km. La Lune sera alors à son premier croissant, visible vers l’ouest en soirée. Même si les levers de pleine lune sont souvent d’une beauté dramatique, ils sont aussi trompeurs dans l’impression de grande taille apparente qu’on attribue à l’astre à ce moment. Si vous avez l’occasion d’admirer la majestueuse pleine lune du 20 septembre s’élever près d’édifices à l’horizon, ne vous laissez donc pas berner : elle se trouve alors plus loin d’environ 20 000 km et d’un diamètre apparent 10% plus petit que le croissant du 11 septembre.
Les bouées planétaires
Pour observer des astres plus éloignés, c’est vers les planètes qu’il faut maintenant porter notre attention. Avec Mars derrière le Soleil et Vénus qui tranquillement émerge elle-même de sa conjonction supérieure, l’évasive Mercure est notre prochaine cible. Les premiers soirs du mois seront plus propices à son observation, dans les minutes suivant le coucher de Soleil : guettez l’apparition d’un petit point de lumière à mi-chemin entre la très brillante Vénus et le Soleil sous l’horizon. Le soir du 8 septembre, un très fin croisant lunaire surplombe la petite planète à demi-éclairée. Mercure continue de s’approcher de nous et termine le mois à quelque 0,7 UA (unité astronomique), mais sa proximité du Soleil et de l’horizon la rend impossible à observer après la mi-septembre.
Notre regard se porte ensuite sur Vénus, qui s’approche aussi graduellement de la Terre pour clore le mois à 0,89 UA de nous. L’éclatante planète attire notre attention au crépuscule, malgré la faible inclinaison de l’écliptique sur l’horizon ouest-sud-ouest à cette période de l’année. Vénus flirte d’abord avec Spica, passant à moins de 2 degrés de l’étoile du 4 au 6 septembre, puis a rendez-vous à quatre degrés du croissant de Lune le 9 septembre.
Malgré l’éclat spectaculaire de Vénus au crépuscule, Jupiter demeure la vedette incontestée de cette fin d’été par sa position plus avantageuse au cœur de la nuit. À quelque 4 UA, c’est aussi notre prochain échelon céleste. Guettez l’apparition de la planète géante qui s’élève à l’horizon est-sud-est dans les minutes suivant le coucher du Soleil. L’observation de Jupiter est à son meilleur au moment où la planète jovienne culmine à l’horizon sud, entre 23h45 au début de septembre et 22h00 à la fin du mois. Dans la nuit du 17 au 18 septembre, notre Lune s’approche à moins de 5 degrés de la géante et de ses propres lunes, dont les quatre satellites galiléens tous visibles en soirée au télescope.
Même si elle est plus de deux fois plus éloignée, Saturne se trouve juste à l’ouest de Jupiter de notre perspective, elle aussi devant les étoiles de la constellation du Capricorne. Vous devriez retrouver sans trop de problèmes la moins éclatante des deux géantes en localisant d’abord Jupiter, plus en repérant le deuxième point le plus brillant de cette région du ciel, 16 degrés sur sa droite, soit la hauteur de votre poing fermé avec le pouce levé, tenu à bout de bras. Saturne reçoit aussi la visite de notre satellite naturel dans la nuit du 16 au 17 septembre, soit un jour avant sa voisine.
Le plus lointain reflet de lumière solaire que vous puissiez espérer capter à l’œil nu serait celui provenant d’Uranus, à 19 UA. À l’approche de son opposition en novembre, sa magnitude avoisine le seuil de visibilité de l’œil, mais il faudra quand même un ciel absolument parfait pour la retrouver dans la constellation du Bélier, à plus de 60 degrés de hauteur vers le sud aux petites heures du matin. Un truc pour espérer distinguer son faible éclat turquoise ? Uranus se trouve pratiquement à mi-chemin d’un segment que l’on peut imaginer entre la ceinture d’Orion et l’étoile marquant le coin supérieur gauche du carré de Pégase, Alphératz.
Aux environs de minuit, partons de cette même étoile en direction de Fomalhaut, étoile très brillante mais très basse à l’horizon sud dans la constellation du Poisson Austral; à mi-chemin, nous croisons la lointaine planète Neptune. Si des instruments d’observation sont souhaitables pour essayer de trouver Uranus, ils sont absolument nécessaires pour la plus distante de nos planètes, à 28,9 UA.
Vous souhaitez tenter de relever ces défis d’observation ? Évitez les nuits de la mi-septembre où l’éclat de la Lune augmentera la brillance de notre atmosphère, nuisant ainsi à la visibilité des astres moins lumineux.
Plongeon dans les étoiles
Le ciel de septembre nous offre la chance de plonger beaucoup plus loin dans l’espace et le temps. Souvenons-nous que la lumière prend un temps non négligeable pour franchir les distances astronomiques. À l’échelle du système solaire, cette durée s’échelonne de 1¼ seconde pour la Lune, à 4 heures pour Neptune. Mais la lumière de la plus lointaine des étoiles que nous puissions espérer voir à l’œil nu, nous propulse près de 5 000 ans dans le passé. Pour trouver cette étoile nommée VV Cephei, vous pouvez vous fier au côté gauche du fameux triangle d’été : le segment qui va d’Altaïr vers Déneb nous mène, une fois et demie plus loin, vers la constellation de Céphée et son iconique quoique subtile forme de maison au toit pointu. Par une belle nuit sans lune, percevez-vous ce qui apparaît comme une faible étoile rougeâtre de cinquième magnitude, située près du centre de cette maison ? Son éclat anodin camoufle en réalité un système binaire dont la composante principale, une supergéante rouge, est probablement la plus grosse étoile qui soit accessible à nos sens : elle ferait entre 500 et 1000 fois la taille du Soleil !
Au-delà des étoiles, notre regard se perd dans l’océan cosmique où émergent, ici et là, des ilots galactiques, telle la fameuse galaxie d’Andromède, bien placée près du zénith au cœur des nuits de septembre. À 2,5 millions d’années-lumière, c’est la plus lointaine – et ancienne – source de lumière que pourra croiser votre regard.
N’oubliez pas de prendre une bonne respiration !
Bonnes observations !