En ce mois de l’équinoxe du printemps, la Lune nous guidera vers quelques objets célestes et phénomènes astronomiques intéressants.
Le croissant lunaire entre les Pléiades et les Hyades
Le croissant lunaire se faufilera d’abord entre les Pléiades et les Hyades le 8 mars en soirée, un rassemblement éphémère qui offrira de belles opportunités aux astrophotographes, mais qu’on pourra aussi admirer à l’œil nu ou aux jumelles. Dès le crépuscule, le trio apparaît très haut au sud-ouest; puis au fil des heures, il descend graduellement vers l’horizon ouest-nord-ouest où il disparaît vers minuit.
L’amas ouvert des Hyades est le groupe d’étoiles qu’on distingue près de la brillante étoile orangée Aldébaran, dans la constellation du Taureau. Situé à 150 années-lumière, c’est le deuxième amas le plus rapproché de nous; il est en effet quelques 70 années-lumière plus distant que l’amas ouvert plus ténu de la Grande Ourse, duquel font notamment partie six étoiles du fameux astérisme de la « grande casserole ». Environ 1800 étoiles ont été recensées jusqu’à ce jour dans les Hyades, mais la plupart sont trop faibles pour être visibles à l’œil nu. Malgré les apparences, Aldébaran n’en fait pas partie, puisqu’elle se trouve à peu près à mi-chemin entre la Terre et les Hyades et ne partage pas la même origine. Les étoiles qui composent les Hyades sont nées en même temps à l’échelle astronomique, il y environ 680 millions d’années. Imaginez la Terre à cette époque : la vie sur notre planète était encore primitive, composée essentiellement de plancton, d’algues, d’amibes et des premières éponges. La Terre connaissait aussi ses deux plus grandes glaciations, une période géologique appelée à juste titre Cryogénien. Tout récemment, en 2019, on a découvert un immense courant de 600 années-lumière de diamètre autour des Hyades, composé d’étoiles qui faisaient encore partie de l’amas il y a quelques centaines de millions d’années, et qui sont en train de s’en détacher graduellement.
Situé à environ 440 années-lumière, l’amas ouvert des Pléiades est un peu plus distant que les Hyades mais plus jeune avec ses 112 millions d’années. Il est aussi plus facile à remarquer à l’œil nu, étant donné que les étoiles qui en font partie sont concentrées sur une plus petite région du ciel (étant donné sa distance plus grande). On a recensé à ce jour environ 1800 étoiles dans les Pléiades; là encore, seules sept ou huit d’entre elles sont visibles à l’œil nu, et quelques dizaines aux jumelles ou dans un petit télescope. Au moment où les étoiles des Pléiades se formaient, la Terre se trouvait au début de la période du Crétacé : c’était l’âge d’or des dinosaures, et les mammifères, encore discrets, n’occupaient qu’une place secondaire dans les écosystèmes.
Occultations lunaires
Au cours des prochaines semaines, la Lune est impliquée dans deux occultation d’étoiles brillantes observables depuis le sud du Québec. Le 15 mars en début de soirée, la Lune gibbeuse croissante cachera pendant un peu plus d’une heure l’étoile Êta Leonis, une supergéante située à environ 1300 années-lumière de nous. Il s’agit en fait d’un système binaire, composé de deux étoiles massives en fin de vie, d’une luminosité extrême. À la distance où elles se trouvent, ces deux étoiles sont séparées d’environ 0,1 à 0,4 seconde d’arc seulement, selon l’année — trop rapprochées pour les distinguer séparément dans un petit télescope d’amateur, mais il est possible de révéler cette nature binaire durant une occultation lunaire avec un équipement approprié. À Montréal, la disparition a lieu à 19h 57min 4s HAE au bord sombre de la Lune, qui se trouve à 38° au-dessus de l’horizon est-sud-est; l’étoile réapparaît à 21h 4min 20s derrière le bord éclairé de notre satellite, à 48° de hauteur dans le ciel. Le moment exact de la disparition et de la réapparition peut varier de plusieurs secondes, car il dépend des coordonnées géographiques précises du lieu d’observation.
Dans la nuit du 18 au 19 mars, ce sera au tour de l’étoile Gamma Virginis de se faire occulter par la Lune gibbeuse décroissante. Gamma Virginis est beaucoup moins lumineuse qu’Êta Leonis, mais à « seulement » 39 années-lumière, elle est aussi beaucoup plus proche et nous apparaît donc un peu plus brillante. C’est également un système binaire, dont les deux étoiles ont une masse et une température à peine plus élevées que celles du Soleil. Grâce à des observations détaillées de leur orbite, ce sont deux des rares étoiles pour lesquelles on peut mesurer précisément la masse en utilisant les lois de Kepler : chacune a environ 1,45 fois la masse du Soleil. Leur séparation angulaire varie entre 1 et 7 secondes d’arc selon l’année, et il est facile de les distinguer séparément dans un petit télescope d’amateur. À Montréal, la disparition a lieu vers 0h 44min 9s HAE derrière le bord éclairé de la Lune (à 41° de hauteur au sud-sud-est); l’étoile réapparaît vers 1h 47min 12s au bord sombre de notre satellite (à 43° de hauteur au sud).
Les planètes du matin
La Lune poursuit sa course autour de la Terre; elle traverse les constellations zodiacales et sa phase diminue de jour en jour. Le matin du 28 mars, peu après 6 heures, le croissant lunaire repose sous la resplendissante Vénus, très bas à l’horizon sud-est; un horizon bien dégagé dans cette direction est essentiel pour apercevoir la Lune. Examinez attentivement le ciel juste près de l’Étoile du matin pour y repérer deux autres points de lumière : Saturne se trouve juste sous Vénus, et Mars brille plus discrètement 5 degrés à droite de ses deux consœurs.
Équinoxe de printemps
Rappelons en terminant que c’est le 20 mars à 11h33, heure avancée de l’Est, que se produira l’équinoxe de printemps cette année. Le terme équinoxe vient du latin aequinoctium qui signifie « égal à la nuit », car c’est approximativement aux deux équinoxes que la durée du jour est égale à la durée de la nuit. En fait, nous définissons précisément l’équinoxe comme étant l’un des deux moments de l’année où l’équateur de la Terre se trouve aligné avec le Soleil, c’est-à-dire qu’il existe un endroit sur Terre le long de l’équateur où le Soleil passe précisément au zénith (souvenez-vous que le plan équatorial de la Terre est incliné d’environ 23,5 degrés par rapport à celui de l’orbite terrestre). Si la Terre ne possédait pas d’atmosphère et que le Soleil nous apparaissait comme un petit point sur le ciel, c’est exactement au moment de l’équinoxe que le jour serait de la même durée que la nuit. En réalité, le Soleil nous apparaît comme un disque dont nous voyons encore la partie supérieure quelques minutes après que son centre soit passé sous l’horizon. De plus, puisque notre atmosphère dévie légèrement les rayons lumineux vers le haut, le disque du Soleil est visible alors qu’il se trouve en fait sous l’horizon, géométriquement parlant. En conséquence, au moment de l’équinoxe, la durée du jour dépasse d’une dizaine de minutes celle de la nuit à la latitude de Montréal (45,5 N); les véritables « équiluxes » surviennent environ trois jours plus tôt en mars, et trois jours après l’équinoxe en septembre.
Bonnes observations !