Une petite vite qui a fière allure
L'ail des bois (Allium tricoccum Ait.) est une plante herbacée vivace qui croît dans les érablières du sud du Québec. On la reconnaît facilement à ses feuilles lisses (une à trois), d'un vert pâle, qui pointent dès la fonte des neiges. On la dit « printanière », car ses feuilles flétrissent après seulement 4 à 6 semaines, au moment où les feuilles des arbres jettent de l'ombre dans le sous-bois. Pendant cette courte période, la lumière, l'eau et les éléments minéraux abondent, ce qui permet à l'ail des bois d'emmagasiner rapidement dans son bulbe, ses réserves annuelles.
Les plants matures produisent une tige florale qui émerge à la fin mai. À cette période, les feuilles se dessèchent et disparaissent, laissant la tige florale nue. Cette tige porte l'ombelle de fleurs qui s'ouvrent en juillet. Les petites graines noires sont mûres au début septembre, mais ne pourront germer avant l'automne suivant. En effet, une période froide (hiver) suivie d'une période chaude (été) sont indispensables pour stimuler la germination chez cette espèce. Une première racine se développe à l'automne et, au printemps suivant, le semis apparaît enfin.
Deux façons de se reproduire
À partir d'une graine, il faudra compter entre 7 et 10 ans avant que le bulbe ait accumulé suffisamment de réserves pour fleurir. L'ail des bois se reproduit aussi par division du bulbe, comme les tulipes. Ainsi, un plant mature peut se diviser en deux (parfois en trois) tous les 2 ou 3 ans, selon les conditions climatiques. Un printemps frais et humide sera favorable à la croissance de l'ail des bois, tandis qu'un printemps chaud et sec entraînera un dessèchement hâtif de la plante.
Une division d'importance
Le maintien des populations naturelles d'ail des bois au Québec s'appuie principalement sur la division végétative. Les bulbes sœurs qui sont produits survivent mieux et se reproduisent plus rapidement que les petits semis provenant des graines. Gardons-nous cependant de minimiser le rôle des graines, car celles-ci sont indispensables à l'expansion de la colonie, qui forme parfois de grands bouquets denses. Un plant d'ail des bois peut vivre plus de cinquante ans. À cause de la courte période dont la plante dispose pour renouveler ses réserves et en raison des grandes dépenses énergétiques occasionnées par la reproduction, on observe chez l'ail des bois des variations annuelles importantes au sein de la survie et de la reproduction.
On connaît deux variétés d'ail des bois. La plus commune a une tige légèrement pigmentée de rouge à la base (var. tricoccum). La seconde n'est pas pigmentée du tout; la base de la tige demeure blanche (var. Burdickii).
Une plante bien de chez nous
L'ail des bois se trouve uniquement dans les forêts feuillues du nord-est de l'Amérique. Au Canada, c'est en Ontario et au Québec qu'elle est la plus abondante, bien qu'elle soit aussi présente au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Au Québec, on la retrouve dans tout le sud de la province, de l'Outaouais jusqu'à Montmagny, et au nord jusqu'à Mont-Laurier (voir la carte ci-jointe).
Habitat : un penchant pour les érablières
L'ail des bois croît dans les érablières riches et humides où l'on trouve en plus de l'érable à sucre qui domine, le frêne blanc, le tilleul, le caryer, le hêtre, le bouleau jaune, etc. Elle pousse principalement dans les mi-versants, les bas de pente et en bordure des cours d'eau, où les conditions humides favorisent la germination et la croissance des petits plants. Les pentes douces à moyennes, orientées vers l'est et le sud-est, lui plaisent particulièrement. Cette espèce préfère les sols forestiers bien ou modérément bien drainés, avec un pH demeurant près de la neutralité (5.5-7.0). Souvent riches en éléments minéraux, notamment en calcium, ces sols favorisent la croissance d'une flore diversifiée.
Un entourage varié
Parmi les herbacées du sous-bois qui accompagnent souvent l'ail des bois, on trouve le gingembre sauvage (Asarum canadense), le caulophylle faux-pigamon (Caulophyllum thalictroides), la claytonie de Caroline (Claytonia caroliniana), la dicentre à capuchon (Dicentra cucullaria), la dicentre du Canada (D. canadensis), l'érythrone d'Amérique (Erythronium americanum), le sceau de Salomon pubescent (Polygonatum pubescens), le trille blanc (Trillium grandiflorum), le trille rouge (T. erectum), l'uvulaire à grandes fleurs (Uvularia grandiflora), la violette du Canada (Viola canadensis) et la violette pubescente (V. pubescens), etc. Deux espèces de fougères sont souvent présentes avec l'ail des bois : l'adiante du Canada (Adiantum pedatum) et la matteuccie fougère-à-l'autruche (Matteuccia struthiopteris).