- 15 Décembre 2021 - Espace pour la vie : Tête-à-tête
Écrivain, poète et musicien à ses heures, le botaniste-chercheur Alain Cuerrier est résolument curieux. Fasciné par la beauté de la nature et la relation entre les Premières Nations et leur environnement, il a arpenté les terres nordiques au-delà du 60e parallèle. Dans le cadre de ses recherches en ethnobotanique, il a vécu son lot de mésaventures! En voici quelques-unes, tirées de son exploration des vastes territoires du Nunavik et du Nunatsiavut.
Nous ne sommes pas seul.e.s
Par un bel après-midi de terrain, alors qu’il était dans le détroit d’Hudson, à Kangiqsujuaq, Alain fait une découverte fortuite. Lors de l’ascension d’une colline pour aller récolter des échantillons de plantes, il arrive au sommet sans remarquer le caribou couché dans une dépression. Devant l'apparente embuscade, le cervidé bondit subitement, manquant de débouler alors que le chercheur évite de tomber à la renverse de l’autre côté du flanc rocheux.
Il raconte cette prise de conscience: « Tu réalises que c’est un territoire qui n’est pas juste habité par des humains. C’est un territoire nouveau du point de vue de la recherche et il reste encore beaucoup de choses à découvrir. J’ai appris plus tard que c’était un endroit privilégié pour les caribous, car les combes à neige leur permettent de profiter d’une certaine fraîcheur tout en étant moins dérangés par les moustiques. Au départ, on ne peut pas saisir l’appartenance des Inuit au territoire. J’ai vu par la suite leurs marques laissées à cet endroit depuis des centaines d’années, sans doute parce qu’il s’agit d’un lieu d’intérêt pour la chasse au caribou. »
Un saut dans le vide
Lors de ses expéditions au Parc national des Monts-Torngat, Alain a collectionné les moments d’inconfort et d’imprévus : traverser des rivières à haut débit, travailler les bottes pleines d’eau, se faire épier de trop près par un ours blanc…
Mais l’expérience qui frappe le plus l’imaginaire implique un hélicoptère et une manœuvre périlleuse pour récolter des spécimens de peuplier. Il se souvient : « On avait la pression de la part du pilote d’hélicoptère pour faire vite, car la brume s’abattait sur nous. Lorsque cela se produit, tu ne vois plus rien et tu ne peux plus voler, donc tu passes la nuit sur place. »
Il a décidé d’optimiser son temps sur le terrain en s’aventurant au cœur de la talle de peuplier convoitée pour récolter des feuilles provenant de différents rameaux. Dans un élan, il s’est précipité hors de l’hélicoptère, a sauté au centre de la talle et a malheureusement passé au travers puisqu’elle était établie au creux d’une vallée. Heureusement, les vêtements du scientifique se sont accrochés aux branches tortueuses, freinant sa chute à 3 mètres du sol rocheux.
Il a décrit cette situation embarrassante : « J’étais suspendu dans le vide avec mes vêtements déchirés et je tentais de me déprendre sans tomber, avec mon sécateur encore dans la main. » Le temps de s’en sortir, Alain a dû rejoindre l’hélicoptère bredouille.
Se laisser guider
Le terrain n’est pas toujours facile d’accès et il est difficile de prévoir les embûches lorsqu’on élabore un protocole. Au cumul de ses nombreuses expériences, Alain a appris à persévérer et à s’adapter, appuyé par les connaissances profondes du territoire des guides locaux qui l'accompagnent lors de ces périples. Avoir un guide est indispensable... et lever les yeux du sol pour regarder au-delà de la plante étudiée, c’est un réflexe qui se développe!
Pour aller plus loin
Chaque année au mois de novembre, Espace pour la vie présente la Nuit des chercheuses et des chercheurs. C’est un événement unique qui célèbre la recherche et la rend accessible au grand public.
Vous n’avez pas pu y assister? Visionnez la rediffusion du talk-show En terrain inconnu de l’édition 2021, une des activités qui s’est déroulée au Biodôme de Montréal.
J'ignorais que ce poète menait aussi une existence d'aventurier. Chercheur, savant, musicien et poète. Oui, poète, auteur d'un excellent recueil : Tout repose. publié au Noroît en 2015.