Modes de vie des Aracées : Des plantes aquatiques aux plantes grimpantes
Les Aracées qui se trouvent dans différents milieux présentent une gamme de modes de croissance très étendue.
Lorsqu'on regarde le Pistia stratiotes, qui colonise les surfaces d'eau calme de toutes les régions tropicales et subtropicales, peut-on croire qu'il appartient à la même famille que le gigantesque Philodendron goeldii qui, juché à 20 mètres du sol, étale son panache de feuilles, atteignant près de 2 mètres de long?
La famille des Aracées comprend :
- des plantes franchement aquatiques comme le Pistia et les Cryptogyne,
- des plantes semi-aquatiques comme les Calla et les Anubias,
- des plantes terrestres, comme les Arisaema, les Symplocarpus, les Amorphyphallus et les Anchomanes,
- des plantes grimpantes comme les Monstera et la majorité des Philodendron,
- des plantes épiphytes comme de nombreux Anthurium.
Les Aracées épiphytes
Les Aracées épiphytes se trouvent surtout dans le genre Anthurium. Mais il existe aussi de beaux Anthurium terrestres.
L'Anthurium est d'ailleurs cultivé à grande échelle pour la fleur coupée. On le reconnait facilement à sa grande spathe rouge vif. Les Anthurium épiphytes peuvent accomplir leur cycle de vie sur la plante support. Ils fleurissent, fructifient et germent sur la plante hôte.
Les Anthurium épiphytes produisent des racines adventives munies d'un velum comme chez les Orchidées. Dans leurs milieux naturels, la plupart des espèces d'Anthurium cultivées au Jardin botanique seraient des plantes qui vivent en épiphytes, juchées au sommet des arbres.
Le Monstera, une plante grimpante
Le Monstera a un mode de croissance bien particulier.
Lorsque la graine germe sur le sol, la jeune plantule, au lieu de rechercher la lumière, comme on s'y attendrait, la fuit et se tourne vers l'obscurité.
Ainsi, la jeune plantule pousse-t-elle en s'allongeant vers la base sombre du tronc des arbres. Une fois accroché à l'arbre, le Monstera grimpe jusqu'à une hauteur de plusieurs mètres, en produisant régulièrement des feuilles, jusqu'à ce qu'il atteigne un niveau de lumière suffisant pour entamer la phase reproductrice.
Durant la phase mature, le Monstera produit régulièrement d'énormes feuilles, atteignant près d'un mètre, insérées sur un épais rhizome accroché à l'arbre. La plante ne produit alors que des axes très courts de telle sorte qu'elle reste toujours au même niveau.
Les inflorescences colorées apparaissent périodiquement à l'aisselle des feuilles selon le rythme de croissance de la plante. Une fois qu'elle a atteint le niveau nécessaire pour débuter la phase reproductrice, la plante produit des racines adventives qui descendent jusqu'au sol. La tige principale rattachée au sol peut donc se briser sans que la croissance de la plante en soit affectée.
Le Philodendron partage ce mode de vie.
Appareil reproducteur : Des fleurs inconnues
Si les feuilles décoratives des Aracées sont bien connues, il en va tout autrement pour leurs fleurs qui, le plus souvent, demeurent camouflées sous le feuillage ou bien ne se développent tout simplement pas.
La floraison des Aracées est tellement peu connue qu'il arrive que des personnes prennent l'inflorescence des Diffenbachia, par exemple, pour une anomalie!
Or, la fleur des Aracées, pour qui la regarde avec une loupe binoculaire, recèle un monde fascinant de formes et de couleurs.
Ce que certains appellent communément « fleur » est en fait une inflorescence constituée de nombreuses fleurs, comme chez les Composées. Sauf que, chez les Aracées, les fleurs au lieu d'être portées par un axe aplati, sont distribués le long d'une colonne allongée munie d'une bractée souvent colorée, appelée spathe. Fleurs et colonnes forment le spadice.
Selon le genre, le spadice peut contenir de 2 à plus de 2 000 fleurs. Les minuscules inflorescences du Lemna minor, par exemple, plante indigène du Québec, ne porte que 3 fleurs, alors que sur certaines inflorescences d'Anthurium des collections du Jardin, les botanistes auraient compté près de 2 500 fleurs.
Elle a grossièrement l'apparence d'un cylindre couvert de losanges. En fait, chaque losange représente une fleur formée d'un pistil, de 4 étamines et de 4 tépales qui forment le contour du losange. Les 4 étamines sont cachées à l'intérieur des tépales. Elles ne sont généralement visibles qu'à l'anthèse; les sacs polliniques forment alors de petites masses jaunes ou blanches qui contrastent avec la couleur verte ou rouge vin des tépales.
Sur certaines espèces, on peut aussi observer périodiquement une gouttelette de matière plus ou moins collante à la surface du stigmate. Il s'agit d'une sécrétion du pistil qui a comme fonction d'attirer les insectes.
La fructification des Anthurium commence par le développement des pistils, l'appareil reproducteur femelle; on voit alors apparaître de petites bosses à la surface de l'ancien spadice. Au cours du développement, les fruits acquièrent leur forme globuleuse et leur couleur caractéristique. Les fruits, qui au sens botanique sont des baies, comme le bleuet, sont généralement blancs, oranges ou rouges. Comme le fruit ne vient que d'une seule fleur, on trouvera donc sur un spadice autant de fruits qu'il y aura eu de fleurs fécondées. Ce que l'on voit sur les Anthurium et les autres Aracées, au moment de la fructification, ce n'est pas un fruit mais des dizaines ou des centaines de fruits.
Mais il ne faut pas s'attendre à trouver chez toutes les Aracées des fleurs comme celles que nous venons de décrire. En effet, si la fructification est uniforme dans toute la famille, il n'en va pas de même pour la structure de la fleur qui, elle, varie considérablement.
La fleur typique du genre Anthurium, genre qui comptent près de 900 espèces, est une fleur bisexuée qui se rencontre aussi, par exemple, dans les genres Monstera, Spathiphyllum, Pothos et Acorus. Ce type de fleur caractérise près de la moitié des espèces d'Aracées.
L'autre moitié se caractérise par des fleurs unisexuées, ainsi qu'on en trouve, entre autres, chez les Aglaonema, les Philodendron, les Amorphophallus et les Arisaema.
La majorité des genres qui possèdent des fleurs unisexuées n'ont pas de périanthe : les fleurs sont nues; il n'y a que le pistil et les étamines. De plus, les fleurs mâles occupent la moitié supérieure de l'inflorescence (le spadice) et les fleurs femelles la moitié inférieure. Si on ajoute au critère de position leur forme caractéristique, il n'est pas difficile de distinguer ces deux types de fleurs. Les fleurs femelles ont généralement une forme globuleuse et portent un stigmate aplati, alors que les fleurs mâles forment des figures géométriques irrégulières sur la surface du spadice. Entre le secteur mâle et le secteur femelle, on observe souvent des fleurs mâles stériles, des staminodes, aux formes variées, par exemple chez les Philodendron, les Xanthosoma et les Colocasia.
Les textes proviennent d'articles de Denis Barabé parus dans la revue Quatre-Temps.