Répartition géographique des Broméliacées
Où trouve-t-on les Broméliacées?
Une des particularités de la famille des Broméliacées, qui compte selon Benzing (1980) environ 2 000 espèces et selon Kramer (1981) près de 2 500 espèces, est sa répartition géographique limitée. En effet, toutes les espèces sauf une, sont natives des Amériques. Ces plantes poussent à partir de la Virginie jusqu'au sud de l'Argentine, mais c'est au Mexique, au Brésil, au Chili, au Pérou et en Colombie qu'il existe le plus grand nombre d'espèces (Kramer, 1981).
L'exception est le Pitcarnia feliciana que l'on trouve en Afrique de l'Ouest. La situation géographique très localisée de cette espèce sur le continent africain, face à l'Amérique du Sud, laisse toutefois croire à une introduction fortuite, récente, des néo-tropiques.
Si le genre Rhipsalis (Cactaceae) est natif de l'Ancien Monde plutôt qu'introduit comme le pensent plusieurs spécialistes, la famille des Broméliacées serait alors la plus grande famille possédant une distribution géographique presque exclusivement restreinte au Nouveau-Monde (Benzing, 1980).
La découverte scientifique des Broméliacées
Christophe Colomb fut, semble-t-il, le premier à découvrir les Broméliacées.
Bien que les explorateurs de l'époque fussent surtout intéressés par les objets de valeur, les nouvelles plantes comestibles comptaient aussi parmi les trésors à rapporter au pays. C'est ainsi qu'en 1493, lors de son second voyage au Nouveau-monde pour le compte de la reine Isabella d'Espagne, Christophe Colomb découvre l'ananas (Ananas comosus) sur une île des Caraïbes, appelée aujourd'hui Guadeloupe, où cette espèce était déjà cultivée. Notons cependant que l'ananas est originaire du Brésil.
Dès le début du 16e siècle, l'ananas fut le fruit le plus exotique cultivé pour les tables royales. Lorsque le jardinier du roi Charles d'Angleterre présenta à ce dernier le premier ananas cultivé en ce pays, l'événement fut jugé assez important pour être représenté sur une peinture, laquelle était encore exposée, en 1980, au Victoria and Albert Museum de Londres.
En 1709 et 1730, Feuillée, un explorateur français, rapporta des spécimens de Broméliacées du Pérou et du Chili alors que, pendant la même période, Desmarchais, un autre explorateur français, en trouva en Guyane. Grâce au Gardeners Dictonary que P. Miller publia en 1785, nous savons qu'à cette époque certaines espèces de Broméliacées étaient cultivées en serres en Angleterre?
Linné, dans son Species Plantarum publié en 1754, reconnaît 14 Broméliacées qu'il classifie en deux genres : Bromelia et Tillandsia. L'ananas s'appelait alors Bromelia ananas. Bien que Linné reconnu officiellement le genre Bromelia en l'honneur d'Olaf Bromel, un botaniste suédois rendu célèbre pour sa Flore de la Ville de Goetheborg, c'est Carolus Plumier (1646-1704), un explorateur français des Antilles, qui donna le nom de Bromelia aux plantes que les Indiens appelaient alors Karatas. D'ailleurs, ce nom vernaculaire fut conservé pour une Broméliacée originaire des Caraïbes et d'Amérique centrale, le Bromelia karatas. En 1805, un botaniste français du nom de Auguste Jaume de Saint-Hilaire décida que ce groupe de plantes était assez diversifié pour former une famille distincte qu'il appela Bromeliaceae, d'après le genre Bromelia.
Bromelia ananas changea éventuellement de nom pour Ananas comosus dont l'épithète spécifique signifiant « touffe de feuilles » décrit bien la partie supérieure de l'ananas. La famille des Bromeliaceae fut plus tard divisée en sous-familles. Ainsi, le genre Bromelia servit de genre type pour former la plus grande des sous-familles, les Bromelioideae.
Le genre Pitcairnia, nommé ainsi en l'honneur d'un botaniste et physicien anglais, le Dr. Pitcairn, fut utilisé comme genre type pour les Pitcairnioideae.
Enfin, le genre Tillandsia représente le genre type de la sous-famille des Tillandsioideae. Le genre Tillandsia fut nommé en l'honneur du Dr. Tillands, un professeur suédois qui avait, apparemment, une phobie des étendues d'eau. Cette peur était, semble-t-il, si intense qu'il préférait parcourir de grandes distances sur la terre, avec tous les inconvénients que cela implique, plutôt que de traverser quelques milles d'une nappe d'eau en bateau. Le genre Tillandsia comprend un certain nombre d'espèces xérophiles (adaptées aux milieux secs) telles que T. usneoides, la « mousse espagnole ». Ces espèces, sans racines développées et dont la préférence va aux milieux secs, semblent avoir l'eau en horreur comme le malheureux Dr. Tillands!
La classification botanique des Broméliacées
Les auteurs modernes dont Benzing (1980) Rauh (1979) et Smith et Downs (1974, 1977, 1979) divisent les Broméliacées en trois sous-familles :
- les Pitcairnioideae
- les Tillandsioideae
- les Bromelioideae.
Ces divisions sont basées particulièrement sur la structure de l'appareil reproducteur plutôt que de l'appareil végétatif. Ce système a été adopté parce que les caractères de la fleur et du fruit sont considérés comme stables dans un sens évolutif et moins variables que la feuille, la tige et la racine.
En se basant sur les caractères du fruit, de la graine et de la fleur, les botanistes modernes s'accordent pour dire que les Pitcairnioideae, au moins les genres à ovaire supère, sont les moins spécialisés et les plus primitifs de la famille. Presque tous les Pitcairnioideae et plusieurs Bromelioideae sont terrestres.
Les Tillandsioideae, même s'ils possèdent des caractères floraux et des fruits relativement primitifs, sont caractérisés par des trichomes épidermiques possédant la morphologie et l'anatomie la plus avancée chez les Bromeliaceae. Les graines sont surmontées d'une touffe de poils spécialisés qui leur permettent, entre autres, de s'accrocher à l'écorce des arbres. La plupart des espèces sont épiphytes, un mode de vie évolué qui dérive du mode de vie terrestre de la majorité des plantes à fleur.
D'après la structure de leurs organes reproducteurs, les Bromelioideae constituent la sous-famille la plus évoluée des trois. La fleur possède un ovaire infère. Les fruits sont des baies dont les graines sont dispersées par les animaux.
Les relations évolutives entre les Pitcairnioideae, les Bromelioideae et les Tillandsioideae demeurent floues, et contrairement à ce que croyaient plusieurs anciens botanistes, aucun genre éteint des Pitcairnioideae ne peut être considéré comme l'ancêtre de genres appartenant aux deux autres sous-familles (Benzing, 1980).
Voici, tel que présenté par Benzing (1980), une description abrégée de chacune des trois sous-familles avec les caractéristiques distinctes et la liste des genres de chaque groupe.
Pitcairnioideae
Les membres de cette sous-famille sont presque tous terrestres. Les fleurs possèdent un ovaire supère ou infère selon le genre considéré. Le fruit est habituellement une capsule à plusieurs graines nues ou munies d'appendices. Les graines ne sont jamais plumeuses. La marge foliaire est souvent épineuse.
Abromeitiella, Ayensua, Brocchinia, Connellia, Cottendorfia, Deuterocohnia, Dyckia, Encholirium, Fosterella, Hochtia, Navia, Pitcairnia, Puya.
Tillandsioideae
Les membres de cette sous-famille sont, pour la plupart, des épiphytes. Les fleurs possèdent habituellement un ovaire supère. Le fruit est une capsule à plusieurs graines plumeuses. La marge foliaire n'est jamais épineuse.
Catopsis, Glomeropitcairnia, Guzmania, Mezobromelia, Tillandsia, Vriesea.
Bromelioideae
Plusieurs membres de cette sous-famille sont des épiphytes. Les fleurs possèdent un ovaire infère. Le fruit est une baie dont les graines n'ont pas d'appendices. La marge foliaire est souvent épineuse.
Acanthostachys, Aechmea, Ananas, Andreana, Androlepis, Araeococcus, Billbergia, Bromelia, Canistrum, Cryptanthus, Fascicularia, Fernsua, Gravisia, Greigia, Hohenbergia, Hohenbergiopsis, Neoglaziovia, Neoregelia, Nidularium, Ochagavia, Orthophytum, Portea, Pseudananas, Quesnelia, Ronnbergia, Streptocalyx, Wittrockia.
Rauh (1979) donne dans son ouvrage une clé d'identification des genres de chaque sous-famille. Les trois volumes de Smith et Downs (1974, 1977, 1979) comprennent, pour leur part, des clés d'identification plus détaillées permettant d'identifier les plantes jusqu'à l'espèce.
L'introduction horticole des Broméliacées
La culture des Broméliacées débuta assez tôt après leur découverte, principalement à cause de leur beauté, de leur originalité et de leur endurance. En effet, les Broméliacées pouvaient supporter de longs voyages en mer, lesquels étaient souvent fatals pour les plantes d'autres familles.
Les deux premières espèces à être rapportées en Europe furent Ananas comosus en 1493 et Bromelia pinguin en 1690 suivies de Guzmania lingulata en 1766. Aechmea fasciata, introduit en 1828, fleurit pour la première fois en septembre 1846 à la maison Van Houtte à Gand en Belgique. Vriesiae splendens fut introduit de Guyane dans les années 1840 par Melinon et Leperieur. À peu près à la même période, Aechmea fulgens fut rapporté du Brésil. Plusieurs espèces de Billbergia furent introduites en Europe à la fin de la première moitié du 19e siècle (Padilla, 1966).
Le Jardin botanique de Kew (Angleterre) comptait 16 espèces de Broméliacées en 1811, 100 espèces en 1864 et 252 en 1887. Dans le Jardin botanique de la Dutch University à Leyde (Hollande), on cultivait 334 espèces en 1894. À part les espèces locales, les Broméliacées étaient pratiquement inconnues aux États-unis à cette époque. La période d'introduction des Broméliacées en Europe correspond à celle des Orchidées et d'autres plantes tropicales remarquables. Tant les pépiniéristes que les collectionneurs privés et les naturalistes s'intéressaient à ce groupe de plantes (Padilla, 1966).
Ce sont les Belges qui, les premiers, ont popularisé les Broméliacées comme plantes d'appartement. Plusieurs horticulteurs et explorateurs belges, subventionnés par leur gouvernement, partaient en expédition à la recherche de plantes exceptionnelles ou peu communes. Grâce à ses voyages en Amérique du Sud de 1835 à 1845, Jean Linden introduisit en Europe environ 1 100 espèces d'orchidées et 1 500 autres plantes tropicales parmi lesquelles figurent plusieurs Broméliacées (Padilla, 1966).
Le premier traité sur les Broméliacées comme plantes d'intérieur fut Die familie der Bromeliaceen, écrit par Joseph Georg Beer en 1857. Le professeur Édouard Morren, directeur du Jardin botanique de Liège, publia en 1885 son Belgique Horticole avec des illustrations en couleurs de très haute qualité dont plusieurs sont aujourd'hui exposées au Jardin botanique de Kew. Édouard François André, architecte paysagiste et étudiant de Morren contribua aussi au développement des connaissances de cette famille et stimula l'intérêt du public pour ces plantes inusitées. Ses voyages en Colombie et en Équateur lui permirent, lors de son retour en France, de publier une monographie intitulée Bromeliaceae Andreanae qui comprend une description détaillée de 122 espèces et 14 variétés qu'il récolta en Amérique du Sud. De ces descriptions, 91 étaient nouvelles et la plupart sont encore valides aujourd'hui. En 1935, nouvel essor avec la publication d'une monographie très à date pour l'époque : Bromeliaceae par Carl Mez, botaniste allemand (Benzing, 1980; Kramer, 1981).
La culture des Broméliacées suscita de l'intérêt jusqu'au début du 20e siècle, après quoi les deux grandes guerres mondiales, surtout la deuxième (1939-1945), ont quelque peu refroidi l'enthousiasme pour l'horticulture en général. Plusieurs collections de plantes vivantes et spécimens d'herbier furent alors détruits. Après 1945, l'intérêt pour les Broméliacées fut à nouveau éveillé non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et ailleurs dans le monde.
Les nombreux travaux de Mulford Foster, de Orlando en Floride, contribuèrent à l'avancement de la culture des Broméliacées en Amérique. Plusieurs espèces portent son nom dont : Aechmea fosteriana, Cryptanthus fosteriana et Dykia fosteriana. L'intérêt pour la culture de ces plantes gagna beaucoup d'adeptes à travers le monde qui se regroupèrent en une société d'horticulture vouée à la culture et à la recherche. C'est ainsi que Mulford Foster fonda, en 1950, à Los Angeles (California), la Bromeliad Society qui publie bimensuellement une revue contenant des informations sur l'histoire, la culture, la systématique et la phylogénie de cette famille.
Avant 1950, la découverte et l'introduction de nouvelles espèces et la plupart des travaux sur l'hybridation venaient de l'Europe; après 1950, grâce aux travaux de Mulford et Racine Foster et d'autres Américains, l'Amérique du Nord a progressé énormément en ce qui a trait au développement de méthodes de culture et à la systématique de cette famille.
Cependant, ce ne fut réellement qu'après le début des années 1970 que les Broméliacées devinrent bien connues en Amérique. L'hybridation a permis la production de plusieurs nouvelles variétés intéressantes. La forme de la plante, la couleur des feuilles et des fleurs, la résistance aux conditions culturales difficiles sont autant de facteurs qui font qu'une variété est préférée à une autre. Le nombre sans cesse croissant des adeptes de la culture des Broméliacées laisse croire qu'elles vont devenir l'un des groupes de plantes ornementales les plus populaires (Benzing, 1980; Kramer, 1981).
Les textes proviennent d'articles de Denis Barabé et Suzanne Forget parus dans la revue Quatre-Temps.