La vie sur Terre aurait-elle pu apparaître grâce aux météorites? Et sujet chaud de l’heure : si la vie est arrivée par des météorites, pourrait-on recevoir un virus de l’espace? Olivier Hernandez, directeur du Planétarium, donne quelques éléments de réponse scientifique en lien avec ces hypothèses.
Ce texte est une adaptation d’une chronique diffusée à l’émission Moteur de recherche, sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première.
L’hypothèse de la panspermie
Les astronomes professionnel.le.s pensent que les comètes et/ou les météorites auraient pu contribuer à l’apparition de la vie sur Terre en y apportant des briques essentielles à la construction de l’ADN, par exemple. C’est la théorie de la panspermie. Une théorie qui propose que « la vie », mais essentiellement des briques ou composés essentiels à la vie, se transfèrent d’une planète à une autre, ou d’un objet céleste à un autre. C’est une théorie séduisante, mais qui a besoin de faits pour l’étayer.
Ainsi, dans le cas où des microorganismes extraterrestres auraient été transportés sur Terre, il faut considérer que ces êtres vivants microscopiques doivent être à l’épreuve du vide spatial. Il existe de tels microorganismes sur Terre qui vivent dans des conditions extrêmes. C’est le cas au large du Japon, dans la fosse des Mariannes. On leur donne le nom d’extrêmophiles. Mais pour le moment, les astronomes ou exobiologistes n’ont pas encore trouvé ces perles rares dans l’espace. Est-ce parce que c’est difficile ou parce que c’est rare ou inexistant? Tout reste à faire encore!
Des expériences ont-elles été réalisées pour prouver ou non l’hypothèse de la panspermie?
Oui, l’expérience de Miller-Urey vient réfuter la théorie de la panspermie et reste, pour le moment, l’hypothèse principale de l’apparition de la vie sur notre planète.
C’est une expérience réalisée en laboratoire en 1953, qui avait pour but de mettre une éventuelle origine chimique de l'apparition de la vie sur Terre. Elle consiste à simuler les conditions censées régner originellement après la formation de la croûte terrestre. C’est le concept de la soupe primitive ou primordiale à l’origine de la vie.
Miller et Urey ont enfermé dans un ballon des gaz composés de briques essentielles : méthane (CH4), ammoniac (NH3), hydrogène (H2) et vapeur d’eau (H2O). Ils ont soumis le mélange à des décharges électriques pendant environ une semaine et surprise! Ils ont obtenu des molécules organiques, les briques du vivant, notamment de l'urée (CON2H4), du formaldéhyde (H2CO), de l'acide cyanhydrique (HCN), des acides aminés (AA). Certains composés étant présents à plus de 2 %.
L’expérience semble donc une des hypothèses les plus probables et séduisantes pour l’apparition de la vie sur Terre. Toutefois, la panspermie est une théorie tout aussi séduisante, non pas pour le transfert de microorganismes vivants, mais pour le transfert des briques fondamentales comme les acides aminés, les molécules plus complexes et surtout l’eau.
Voilà aussi pourquoi les météorites et les comètes sont si précieuses. Elles se sont formées de la même matière originelle, et possèdent à peu près le même âge que notre Système solaire. On espère y trouver ces briques essentielles.
On a plus de chance de trouver ces briques dans quels types d’objets?
Si l’on regarde les météorites, il en existe deux grands types : les chondrites, ou les météorites non différenciées, et les météorites différenciées.
Les chondrites, ce sont des météorites qui proviennent de corps parents (astéroïdes) dont la masse est très petite et dont le diamètre est inférieur à 10 km. Ce sont des météorites qui n’ont pas pu se différencier et former correctement « un cœur dans ces petits corps ». C’est-à-dire dont l’évolution s’est arrêtée essentiellement sur leur matériau constitutif, qui s’est formé il y a 4,57 milliards d’années, en même temps que le Système solaire. On a reçu des morceaux de chondrite au planétarium, qui ont donc vraiment cet âge et qui sont passés à travers tout le Système solaire, puis par les États-Unis, pour arriver ici!
Qu’en est-il des météorites différenciées?
Les météorites différenciées sont celles qui proviennent de corps parents beaucoup plus gros (de diamètres de plus de 40 km) qui se sont différenciés. Autrement dit, leurs corps parents ont eu une activité de chauffage type radioactif, et pour les plus gros, de type tectonique. À ce moment-là, il va y avoir une différenciation qui se fait par rapport aux composantes de ces météorites: on va retrouver du fer qui forme le noyau.
Il existe trois météorites non différenciées remarquables dans lesquelles on a pu trouver des briques essentielles : Orgueil, Allende et Murchison. Celle de Murchison, tombée en Australie en 1969, a pu nous révéler une richesse de composés moléculaires exceptionnels : plus de 14 000 différents, dont plus de 70 acides aminés présents dans les protéines terrestres.
Comment trouve-t-on des météorites? On les voit tomber?
On trouve les météorites de deux façons, et elles sont classées soit par trouvaille (au hasard) ou par observation de la chute. Il existe aussi un réseau mondial qui détecte et calcule les chutes en temps réel. Le Planétarium est en train de l’installer au Québec, sous le nom de DOMe. Il s’agit d’un réseau caméras qui observe et calcule les trajectoires des météorites pour les récupérer en organisant des battues le plus rapidement possible.
Pourquoi cette précipitation à récupérer les météorites?
Au moment de son entrée dans l’atmosphère, la météorite va s’échauffer. Cette friction va causer d’abord son ralentissement (de 20 000 km/h à 600 km/h), et ensuite, la constitution d’une croûte de fusion. D’ailleurs, il arrive très souvent que les météorites se désagrègent dans l’atmosphère. Mais durant tout le temps de cette chute (une dizaine de secondes) de 80 à 20 km d’altitude, on peut les voir tomber. Sur cette portion, elles sont visibles et l’on est capable de calculer leur trajectoire.
Dans les vingt derniers kilomètres, la chute devient « sombre »; il est impossible de les voir. On va donc se dépêcher pour récupérer les météorites afin qu’elles ne soient pas contaminées par la nature ou les humains qui pourraient la toucher, puisqu’on veut correctement les examiner.
Durant ce passage dans l’atmosphère, les composés à la surface des météorites se volatilisent. Mais à l’intérieur, la composition reste la même. En fait, la formation de la croûte de fusion se fait à des températures de quelques 1 000 °C pas plus et cette croûte est d’une épaisseur de 2-3 mm au maximum (c’est le cas de la fameuse météorite de Peekskill tombée en 1992 sur le symbole de notre nord américanité : une magnifique Malibu Chevrolet).
Peut-on se brûler en touchant une météorite?
Si vous touchez une météorite qui vient juste de tomber, vous risquez surtout de vous brûler… de froid. En dix secondes, à ces températures, le bloc de la météorite, qui a passé 4,57 milliards d’années dans l’espace froid, n’a pas vraiment le temps de se réchauffer. Seule une croûte de fusion se forme, ou la météorite complète se désintègre.
D’ailleurs, les chondrites, ces fameuses météorites non différenciées, sont encore des amalgames de cailloux. Et lorsqu’elles pénètrent dans l’atmosphère, elles ont plus de chance qu’une bonne ferreuse (une différenciée) de se désagréger. C’est d’ailleurs pour cela que l’on va dans l’espace directement sur de petits astéroïdes, ces corps parents des météorites non différenciés : pour connaître leur composition originale et donc celle de notre Système solaire.
Pas de virus alors?
Si j’étais une météorite, j’aurais plus peur d’être contaminée par les humains que l’inverse! En fait, lors des analyses, tout est mis en place pour qu’un scientifique humain ne contamine pas, par nos bactéries ou nos virus à couronnes, ces précieuses poussières venues de l’espace.