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Le salon littéraire des animaux - Épisode 3 : À la mode du Saint-Laurent

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Au Biodôme de Montréal, un duo de créateurs acadiens bernard-l’ermite présente sa collection de coquilles inspirée par la nature qui l'entoure au quotidien. Il révèle au journaliste Michel Langoustine et à des invités les origines et les motifs de leurs créations, reflets de leur personnalité et des dangers qu’ils évitent...avec style!

Transcription

(Ambiance de foule calme avec des spectateurs qui discutent poliment entre eux. Un bourdonnement de micro se fait entendre et la voix du narrateur Michel Langoustine nous introduit au balado)


MICHEL LANGOUSTINE - Mesdames et Messieurs bonjour. Mon nom est Michel Langoustine et je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues au Salon littéraire des animaux, le rendez-vous des amoureux de la lecture! Nous sommes au Biodôme de Montréal, dans l’écosystème du Golfe du Saint-Laurent et ce n’est pas un hasard… puisque nos invités aujourd'hui sont les jumeaux acadiens, Bernard et Bernadette Bernatchez, célèbre duo de bernard-l'ermite, artistes du golfe du Saint-Laurent.

(Applaudissements polis de la foule.)

MICHEL LANGOUSTINE - Bernard, Bernadette, je suis heureux de vous avoir avec nous.

BERNARD - Tout le plaisir est pour nous, Michel. Ça fait changement des fonds marins… et de l’eau à 4 degrés!

MICHEL LANGOUSTINE - J'ai toujours su que vous n'aviez pas froid aux yeux.

BERNADETTE - Un grand merci à vous tous d'assister à cet évènement. Comme vous le savez probablement, je suis décoratrice d'intérieur et mon frère Bernard est créateur de mode. Ensemble, nous avons créé une collection de coquilles des plus extraordinaires...

BERNARD - … Une collection inspirée par la beauté et la diversité de ce qui nous entoure. Les algues vertes qui dansent au rythme du Saint-Laurent, les poissons, crustacés et mammifères de toutes sortes, sans oublier les magnifiques rochers aux mille tons de gris et de bruns…

Bernadette le coupe

BERNADETTE - Cette nouvelle collection moderne, branchée et audacieuse est reproduite dans notre livre Robes de Marée, que nous vous présentons aujourd'hui.

(Applaudissements polis de la foule.)

MICHEL LANGOUSTINE - Si je peux me permettre, pourquoi cette si grande fascination envers les coquilles?

BERNARD - Parce que nous sommes des bernard-l'ermite, bien sûr! Notre espèce vit difficilement sans coquille!

BERNADETTE - Vous voyez, les bernard-l'ermite sont des crustacés, comme le crabe et le homard. Nous sommes d'ailleurs physiquement assez semblables. Dix pattes, dont une paire de pinces à l'avant. Mais ce qui nous différencie c'est notre abdomen mou qui nécessite la protection d'une coquille.

MICHEL LANGOUSTINE - Je vois… et d'où proviennent ces coquilles?

BERNADETTE - Nous les récupérons dans les fonds marins. Elles appartiennent à des mollusques, plus souvent à des buccins communs, un animal qui ressemble à un escargot qui vit dans la mer. Leur coquille, en forme de colimaçon, nous protège contre la plupart de nos prédateurs.

BERNARD - Ouais! V’nez vous-en les prédateurs! Ah ha!

L'audience éclate de rire.

BERNARD - (rire poli) On rigole, mais c'est effectivement un moyen de défense très efficace. Plus la coquille est dure, plus elle est résistante.

MICHEL LANGOUSTINE - Fascinant. Mais alors, vous gardez cette coquille pour la vie?

BERNADETTE - Et bien non. Nous grandissons! Un bernard-l'ermite acadien peut atteindre une taille de 3 centimètres à l'âge adulte. C’est aussi gros qu’une pièce de deux dollars! Il est donc nécessaire de changer de coquille pour une plus grosse avant que la première ne nous aille plus.

BERNARD - Et tout le monde sait que porter une coquille qui n'est pas à notre taille... est un des pires crimes vestimentaires qu'un bernard-l'ermite peut commettre. (rire méprisant)

On entend quelques petits rires discrets dans la foule.

MICHEL LANGOUSTINE - (rire poli)C'est là que vous entrez en jeu n'est-ce pas?

BERNARD - Effectivement Michel! J'adore aider mes semblables à trouver LA coquille de leurs rêves. C'est une passion pour moi, et cela depuis un très jeune âge. C’est important de se sentir bien dans sa coquille. Elle définit votre personnalité. La bonne taille bien ajustée, un "look" d'enfer rempli de belles couleurs peut vous donner une confiance extraordinaire… comme moi!

BERNADETTE - Il ne faut pas négliger l'importance du confort. Après tout, vous portez cette coquille tous les jours et la traînez partout où vous allez. Alors, pourquoi ne pas le faire avec style!?

MICHEL LANGOUSTINE - En effet, je comprends. Et ce style, vous le trouvez comment? D'où provient l'inspiration? Qu'est-ce qui titille votre imagination?

BERNARD - La vie, mon cher Michel. C'est la vie autour de nous qui nous inspire et nous influence.

On entend Michel acquiescer.

BERNARD - Vous voyez, je suis un observateur de la vie. Je passe de nombreuses heures de la journée à regarder tranquillement la vie passer.

BERNADETTE - Ça je vous le confirme!

Michel Langoustine et la foule rient ; l'atmosphère est détendue.

BERNARD - Tenez, prenez par exemple l'autre jour, j'observais une magnifique méduse lune qui nageait tout près de nous et hum… Michel... Êtes-vous familier avec cet animal?

MICHEL LANGOUSTINE - (hésitant) Hum...moi...oui...oui bien entendu, mais peut-être pouvez-vous la présenter à nos spectateurs et spectatrices?

BERNARD - Bonne idée. La méduse lune est bien étonnante. C'est un organisme marin presque transparent et gélatineux.

BERNADETTE - Un animal magnifique.

BERNARD - Majestueux! C'est en l'observant que nous avons eu l'idée de confectionner une coquille transparente afin de recréer cette beauté. Le résultat final est ... hors du commun.

Bruit de pages de livre qui se font tourner.

BERNADETTE - Regardez par vous-même. Page 37. Une coquille transparente, n'est-ce pas merveilleux?

MICHEL LANGOUSTINE - Tout à fait! Mais comment avez-vous réussi à faire ça?

BERNARD - Essai et erreur, Michel. Nous avons travaillé avec plusieurs matériaux. À un certain point, nous avons fait chauffer le sable des fonds marins pour en faire de la vitre..

BERNADETTE - Mais cette coquille était beaucoup trop fragile et risquait de couper ceux qui la portaient. Pas très pratique. Nous avons vite éliminé l'option.

BERNARD - Vous le savez Michel, les humains ne font pas attention à ce qu'ils jettent dans l’eau. Nous nous retrouvons donc avec une quantité élevée de plastique autour de nous. On s’est dit, pourquoi ne pas utiliser ce plastique pour construire un nouveau type de coquilles!

MICHEL LANGOUSTINE - Surprenant!

La foule : wooowwww

BERNADETTE - Mais attention, cette coquille sert uniquement à épater la galerie lors de soirées spéciales. Elle est trop fragile pour résister à une attaque de prédateur.

MICHEL LANGOUSTINE - Je vois, je vois… Avez-vous d'autres exemples de créations inusitées à nous partager?

BERNADETTE -(taquine) Pour cela il va vous falloir acheter notre livre, Michel.

La foule exprime un rire complice.

BERNADETTE - Mais il nous fait plaisir de vous donner d'autres exemples, bien sûr.

BERNARD - Tout à fait!

BERNADETTE - Nous essayons toujours d'imaginer des moyens de faciliter la vie des bernard-l'ermite. Nous avons donc tenté de voir comment éloigner les prédateurs et nous en sommes venus à une solution vraiment intéressante. Jumeler une coquille avec un hydraire.

MICHEL LANGOUSTINE - Un quoi?

BERNADETTE - Un hydraire. C'est un animal primitif assez spécial. Il est surnommé fourrure d'escargot, puisque son corps est constitué d'une large quantité de petits tuyaux qui ressemblent à des poils. Il se dépose sur la coquille telle une décoration. C’est une espèce de manteau de fausse fourrure.

MICHEL LANGOUSTINE - Assez spécial en effet. Mais pourquoi une telle union?

BERNADETTE - Et bien voyez-vous, l'hydraire produit une sensation de brûlure et de démangeaison à qui la touche. C’est donc pour nous une excellente façon de se protéger des prédateurs.

BERNARD - Je prédis un mauvais quart d'heure à quiconque tentera de prendre une bouchée de la coquille-hydraire.

La foule est impressionnée et applaudit.

BERNADETTE - Mais l'hydraire en retire aussi des avantages. En restant jumelé à notre coquille, il se nourrit des restes de nos repas.

BERNARD - C'est gagnant-gagnant.

MICHEL LANGOUSTINE - Une situation où les deux espèces en tirent avantage en fait?

BERNADETTE - On pourrait dire cela, oui.

MICHEL LANGOUSTINE - On me fait signe qu'il est maintenant le moment de passer aux questions du public. Alors si vous me le permettez, chers amis, j'aimerais entendre ce que nos spectateurs et spectatrices ont à vous demander.

BERNADETTE - Mais bien sûr.

BERNARD - Avec plaisir, Michel.

MICHEL LANGOUSTINE - Quelqu'un avait une question, je crois? Hum, oui, vous madame au plumage blanc et gris. Vous êtes une mouette n'est-ce pas?

PIERRETTE LA MOUETTE - C'est ça, oui! Une mouette tridactyle. Mon nom c'est Pierrette La Mouette

MICHEL LANGOUSTINE - Enchanté Pierrette, vous aviez une question pour nos invités, je crois?

PIERRETTE LA MOUETTE - Oui.

Il y a un silence malaisant pendant une seconde alors que Pierrette ne comprend pas tout de suite qu'elle doit enchaîner avec sa question.

MICHEL LANGOUSTINE - Allez-y, ma chère, la parole est à vous.

PIERRETTE LA MOUETTE - Ah ok. Oui hum...je me demandais en fait, hum...bien moi je suis un oiseau alors, ça m'est arrivé...des fois...par erreur là...hum...de manger des bernard- l'ermite.

La foule exprime un murmure horrifié en entendant la déclaration de Pierrette la mouette.

PIERRETTE LA MOUETTE - (sur la défensive) Par erreur là! Pas souvent...juste deux ou trois fois. C'est tellement bon… (se ressaisit) En gros je me demandais, pourquoi vous goûtez si bon? De quoi vous nourrissez-vous? Avez-vous une petite cuisine dans votre coquille pour vous préparer des mets savoureux?

Un autre silence malaisant s'empare de la foule et Michel Langoustine tente de le détourner.

MICHEL LANGOUSTINE - Bernard, Bernadette? Quelqu'un veut répondre à cette chère dame?

BERNARD - Mais bien sûr, Michel. Je vous confirme qu'il n'y a pas de petite cuisine dans notre coquille, mais plutôt notre abdomen. Si vous tenez à le savoir, madame la mouette, les bernard-l'ermite sont détritivores. Nous mangeons des débris, des morceaux d'animaux ou de végétaux morts, de cadavres plus précisément. Appétissant n'est-ce pas? Pensez à cela, la prochaine fois que vous mangerez un des nôtres par "erreur".

PIERRETTE LA MOUETTE - (humiliée) (petit rire gêné) ouache.

MICHEL LANGOUSTINE - Des détritivores! Comme c'est intéressant. Alors vous nettoyez en quelque sorte les fonds marins?

BERNARD - On pourrait dire cela, oui. En mangeant les restants de ce que les autres animaux laissent derrière, rien n'est gaspillé!

MICHEL LANGOUSTINE - C'est fantastique, tout simplement fantastique. Mes chers amis, ce fut un honneur pour moi de vous recevoir aujourd'hui et je vous souhaite le plus grand des succès avec cette nouvelle collection si créative. Le Salon littéraire des animaux vous remercie pour votre présence.

(au public) Je vous rappelle qu’une séance de dédicaces aura lieu tout à l’heure pour ceux et celles qui désireraient rencontrer les auteurs et faire signer leur copie de Robes de Marée.

BERNARD - Nous vous remercions également, Michel.

BERNADETTE - Tout le plaisir était pour nous, bien sûr.

MICHEL LANGOUSTINE - (vers la foule) Mesdames et Messieurs, une grande main d'applaudissement pour les bernard-l'ermite Bernard et Bernadette Bernatchez! Merci!

Applaudissements et sifflements.


FIN