La phytoprotection : protéger l’intégrité des collections
La tâche d'un horticulteur spécialisé en phytoprotection au Jardin botanique de Montréal consiste à s’assurer de la bonne santé des plantes en appliquant toutes les méthodes préventives et en intervenant au besoin pour traiter les problèmes causés par les insectes et les maladies affectant les plantes.
Il n'est pas toujours facile de savoir comment soigner une plante qui dépérit, puisque le Jardin compte 22 000 taxons ayant chacun leurs besoins et leur sensibilité aux maladies et aux insectes. Une bonne connaissance de la physiologie des plantes et de leurs ennemis est donc essentielle.
La phytoprotection, un travail d’équipe
Le chef de section et les contremaîtres collaborent avec deux horticulteurs spécialisés en phytoprotection. Un horticulteur spécialisé est responsable du complexe des serres, un autre veille sur la santé des jardins extérieurs.
Les serres constituent un milieu fermé et protégé, les plantes y sont donc plus susceptibles d'être attaquées par des ravageurs ou des maladies. Le dépistage des serres se fait aux deux semaines par l’horticulteur responsable de la collection. Le résultat du dépistage est noté dans un relevé. Dès qu’il détecte un foyer d’infestation, il avise le responsable de la phytoprotection pour planifier le traitement approprié.
Un virage vert
- Entre 2005 et 2010, l’utilisation des pesticides de synthèse dans les jardins extérieurs et dans les serres a diminué de façon constante.
- L'utilisation des insecticides-acaricides a été réduite de 74 %.
- L'utilisation des fongicides de synthèse a été réduite de 38 %.
- L'utilisation des herbicides de synthèse a été réduite de 22 %.
Les défis de la phytoprotection
Le contrôle des ravageurs et des agents pathogènes au Jardin botanique de Montréal n'est pas une tâche simple car le regroupement de végétaux en collections ou sur des aires de production favorise la prolifération des insectes et des maladies. De plus, la grande diversité des plantes qui y sont cultivées engendre des problématiques très diversifiées. Depuis de nombreuses années, plusieurs démarches ont été développées afin de réduire l’usage des pesticides de synthèse les plus toxiques au Jardin botanique de Montréal.
Politique sur l’utilisation des pesticides de l’Espace pour la vie
Adoptée en 2004 et révisée en juin 2011, la politique sur l’utilisation des pesticides vise à minimiser l’utilisation des pesticides les plus nocifs à l’environnement et à la santé humaine en privilégiant tous les moyens alternatifs de contrôle des organismes nuisibles aux plantes et ce, tout en conservant l’intégrité physique et esthétique des collections.
La lutte biologique
La lutte biologique est une méthode de contrôle des ravageurs qui utilise des organismes vivants (insectes, bactéries, nématodes ou champignons) pour réduire les populations de ravageurs. Ces organismes, appelés auxiliaires de lutte, sont des ennemis naturels du ravageur visé. La lutte biologique est utilisée pour remplacer les pesticides conventionnels.
La lutte biologique dans les serres d'exposition
Depuis plusieurs années, la lutte biologique est utilisée avec succès dans l'ensemble des serres d'exposition. Elle exige une identification précise du ravageur, de solides connaissances ainsi que de la persévérance.
Trois auxiliaires de lutte sont utilisés dans les serres. Cryptolaemus montrouzieri est un insecte prédateur de l’ordre des coléoptères. Amblyseius swirskii est un acarien prédateur (les sachets à libération lente contenant les acariens sont parfois visibles dans le feuillage des plantes). À eux deux, ils débarrassent les serres des cochenilles, des thrips et de plusieurs autres ravageurs. Encarsia formosa est une petite guêpe dont les larves parasitent les larves d’aleurode. Des microorganismes (bactéries, virus et champignons) peuvent aussi être introduits dans les serres dans le but d'infecter les ravageurs et de provoquer leur mort.
Une autre stratégie consiste à cultiver dans les serres des plantes indicatrices et des plantes réservoirs. Les plantes indicatrices attirent les insectes nuisibles, elles permettent aux horticulteurs de détecter rapidement une infestation. La plante peut parfois être détruite avant que les ravageurs se répandent dans la serre. Les plantes réservoirs abritent quant à elles les auxiliaires de lutte. Des ilots de plantes indicatrices et de plantes réservoirs peuvent être disséminés à travers les collections.
La lutte biologique dans les jardins extérieurs
La lutte biologique est également utilisée avec succès dans plusieurs jardins extérieurs :
- Dans la Cour des sens, les pucerons et les acariens nuisibles sont contrôlés par des prédateurs (Aphidius, chrysopes et coccinelles).
- Au Jardin japonais, deux prédateurs (Amblyseius fallacis, Stethorus punctillum) ont été introduits pour contrer les acariens affectant les thuyas.
- Le Jardin des Premières-Nations a bénéficié de la présence d’un prédateur (Stethorus punctillum) contre les acariens.
- Les coccinelles contrôlent les pucerons s’attaquant aux plantes annuelles des Jardins d’accueil.
La lutte intégrée
La lutte intégrée est une stratégie qui combine plusieurs méthodes de contrôle afin de diminuer les populations de ravageurs, sans nécessairement les éradiquer. La lutte intégrée inclut les méthodes préventives (choix des végétaux, choix du site, rotation des cultures), les barrières physiques et mécaniques, la lutte biologique et en dernier recours, l’usage judicieux et limité des pesticides. Les pesticides ayant un faible impact environnemental sont toujours privilégiés. Les pesticides de synthèse ne sont utilisés que lorsque tous les autres moyens de lutte ont été épuisés. L’efficacité de la lutte intégrée repose sur un dépistage régulier de façon à intervenir dès l’apparition des problèmes. L’objectif est de permettre un contrôle efficace des ravageurs, à coûts abordables, tout en respectant l’environnement et en protégeant la santé des visiteurs et des employés du Jardin.
La lutte intégrée est utilisée avec succès dans tous les jardins extérieurs ainsi que dans les serres de service en respectant les étapes suivantes :
- Appliquer les diverses méthodes de prévention (choix de végétaux plus résistants aux ravageurs et régie de culture appropriée);
- Identifier les ennemis et les alliés;
- Dépister et évaluer l’état de la situation;
- Utiliser des seuils d’intervention;
- Adapter l’écosystème;
- Combiner les méthodes de lutte (physiques, biologiques, chimiques, etc.), les pratiquer au bon endroit et au bon moment;
- Évaluer l’efficacité des actions ainsi que les données recueillies et réévaluer la situation.
Dans la Roseraie qui compte plus de 10 000 rosiers, plus de 98% des pesticides de synthèse ont été remplacés par des solutions à faible impact :
- Amélioration des techniques de dépistage et de suivi;
- Application de pesticides à faible impact (savon insecticide, pyréthrine, biofongicide, bicarbonate de soude) et de répulsif à base d’argile;
- Intégration de plantes compagnes.
Tiré de l'article de Conrad Bertrand paru dans la revue Quatre-Temps.