La resplendissante Vénus nous fait de l’œil dès que le Soleil disparaît sous l’horizon, mais il ne faut pas oublier Mars qui est aussi visible à la tombée de la nuit. Ce mois-ci, l’une après l’autre, les deux planètes rendent visite à l’amas d’étoiles de la Ruche.
Il ne reste que quelques semaines avant que prenne fin la superbe apparition de Vénus dans le ciel du soir qui s’est amorcée en décembre. L’éclatante Étoile du soir est bien visible en direction ouest après le coucher du Soleil, mais vous remarquerez qu’elle apparaîtra de moins en moins haut dans le ciel au cours de prochaines semaines : entre le début et la fin de juin, Vénus perd en effet une douzaine de degrés de hauteur par rapport à l’horizon au crépuscule, et la tendance se poursuit en juillet.
Même si sa position se détériore, Vénus mérite vraiment qu’on pointe un petit télescope dans sa direction, surtout ces jours-ci. Le 4 juin, la belle planète atteint sa plus grande élongation par rapport au Soleil, 45 degrés à l’est de notre étoile. Pendant quelques soirs autour de cette date, elle se présente à nous sous la forme d’une « demie-Vénus » de 23 secondes d’arc de diamètre. En effet, comme la Lune, Vénus présente des phases. Au cours des semaines suivantes, à mesure qu’elle nous rattrape sur son orbite, on assiste à son changement d’aspect de plus en plus spectaculaire : à la fin de juin, Vénus nous apparaît comme un épais croissant éclairé à 32%, et son diamètre est alors de 33 secondes d’arc. Cette transformation de l’apparence de Vénus se poursuit de plus belle en juillet : le 20, quelques soirs avant qu’on la perde de vue dans les lueurs du crépuscule, le croissant de Vénus devient encore plus mince (15% seulement) mais nettement plus grand, avec diamètre de 45 secondes d’arc.
Environ une heure après le coucher du Soleil, lorsque le ciel s’assombrit et que davantage d’étoiles apparaissent au firmament, on remarque la présence plutôt discrète de Mars, plus haut et sur la gauche de la flamboyante Vénus. La planète rouge s’est beaucoup éloignée de la Terre et a considérablement faibli depuis l’opposition de décembre 2022; à l’œil nu, on dirait une simple étoile orangée de brillance moyenne, mais qui se déplace de soir en soir. Contrairement à Vénus, son petit disque orangé présente maintenant peu d’intérêt lorsqu’on l’observe dans un télescope d’amateur.
Rendez-vous avec la Ruche
En ce moment, Mars brille en solitaire dans ce qui ressemble à une sorte de « vide » dans la succession des constellations situées à proximité de l’écliptique, entre les Gémeaux, avec les étoiles principales Pollux et Castor, et le Lion, avec l’étoile Régulus et l’astérisme de la Faucille. En ville, avec toute la pollution lumineuse, il n’y a rien en effet qui nous saute aux yeux à cet endroit. Dans un ciel plus noir, par contre, il est possible de faire connaissance avec la faible constellation du Cancer. Et par une nuit sans Lune, lorsque la pollution lumineuse est à peu près nulle, on devine au centre du crabe céleste une tache lumineuse diffuse, un peu plus grande que la pleine Lune.
Situé à 590 années-lumière de nous, l’amas de la Ruche, ou Messier 44, fait partie des amas ouverts d’étoiles les plus proches du système solaire, ce qui en fait un objet relativement brillant et étendu dans le ciel. Aux jumelles, on résout sans peine ses étoiles les plus brillantes, de sixième et septième magnitude. Dans un télescope à grand champ, ce sont des centaines d’étoiles qui s’offrent à notre regard. D’après les recensements les plus fouillés, l’amas compterait en fait plus de mille étoiles membres, nées du même nuage moléculaire il y a environ 600 millions d’années.
Les premières mentions de cet objet connu depuis la préhistoire nous sont parvenues de l’Antiquité grecque; dans l’astronomie traditionnelle chinoise, l’amas est appelé « le fantôme ». Au premier siècle de notre ère, Ptolémée l’a inclus dans son catalogue d’étoiles, aux côtés d’une poignée d’autres objets nébuleux. Avec sa petite lunette, Galilée fut le premier, en 1609, à l’observer avec un instrument d’optique : il découvre alors qu’il s’agit d’un amas de quelques dizaines d’étoiles. Charles Messier l’a ajouté en 1764 comme 44e entrée à son célèbre catalogue.
En Europe francophone, on appelle cet amas « la Crèche », au sens de mangeoire, traduction de son nom latin Praesepe; c’est cette dénomination qu’on rencontre dans les publications européennes. Deux des étoiles qui dessinent le corps du crabe céleste et qui encadrent l’amas se nomment d’ailleurs Asellus Borealis (Gamma Cancri) et Asellus Australis (Delta Cancri) : « l’âne du nord » et « l’âne du sud » sont occupés à se nourrir dans cette mangeoire.
Chez nous, c’est sous l’infuence du nom Beehive, par lequel les anglophones du continent désignent cet amas, que la désignation de « la Ruche » s’est imposée. Avouons que l’image de l’essaim d’abeilles virevoltant est particulièrement appropriée !
En raison de sa position dans le ciel, à peine un degré au-dessus de l’écliptique (la ligne imaginaire que parcourt le Soleil au cours de l’année), la Ruche reçoit aussi la visite assez fréquente des planètes principales du Système solaire. C’est ce qui se produit en ce début de juin : le soir des 1er et 2 juin, Mars passe en plein cœur de la Ruche, mais se trouvera aussi en périphérie de l’amas le 31 mai et le 3 juin. Il s’agit toutefois d’un saisissant effet de perspective puisque les étoiles de l’amas se trouvent en fait 20 millions de fois plus loin que la planète rouge ! Bien que Mars ait beaucoup faibli depuis son opposition en décembre 2022, ce petit point de lumière orangée magnitude +1,6 est malgré tout un centaine de fois plus brillant que les étoiles principales de l’amas, et offre un joli contraste de couleur avec leur dominante bleutée. Lorsque le ciel s’est suffisamment assombri, environ 90 minutes après le coucher du Soleil, on retrouve Mars et la Ruche une vingtaine de degrés au-dessus de l’horizon ouest. Cela laisse une bonne heure pour admirer la scène avant que le Cancer ne se retrouve trop bas à l’horizon et que l’extinction atmosphérique n’étouffe complètement les étoiles de l’amas.
Bien sûr, Vénus aussi se déplace à travers les constellations, comme si elle était à la poursuite de Mars. Elle s’éloigne des Gémeaux, et semble prête à plonger à son tour dans l’espace apparemment vide de la constellation du Cancer. Le 13 juin, l’Étoile du soir passe juste au nord de l’amas de la Ruche mais s’en trouve assez proche aussi le soir des 12 et 14 juin. Encore une fois, la très brillante planète (magnitude –4,4) est à l’avant-plan et les étoiles de l’amas très, très loin derrière. Mais avec la saison qui avance, l’amas et la planète ne sont plus qu’à une quinzaine de degrés au-dessus de l’horizon ouest lorsque la nuit s’installe comme il faut, vers 22 heures; la fenêtre d’observation s’en trouvera réduite. La différence d’éclat entre Vénus et les étoiles de l’amas est cette fois extrême : un facteur 10 000 ! La planète apparaît à ce moment comme un épais croissant, éclairé à 44%, et d’un diamètre de 26 secondes d’arc.
Croissant lunaire, planètes et solstice
Après ces rencontres éphémères, Mars et Vénus poursuivent leur route vers l’est parmi les constellations. L’Étoile du soir, plus rapide, s’approche graduellement de la planète rouge. Le soir du 21 juin, on retrouve le croissant lunaire à seulement 3 degrés en haut et à droite de Vénus, tandis que Mars complète le triangle, 4½ degrés en haut et à gauche de Vénus.
Le 21 juin, c’est aussi le jour du solstice, qui se produit à 10h58 HAE. C’est le début officiel de l’été astronomique dans l’hémisphère Nord (et de l’hiver austral), marqué par la plus longue durée d’ensoleillement de l’année. Toutefois, le lever de Soleil le plus hâtif survient quelques jours auparavant (le 16 juin) et le coucher le plus tardif quelques jours plus tard (le 28 juin); consultez notre archive de juin 2021 pour l’explication de ces décalages.
Bonnes observations !