Nous sommes le 14 février 2022. Il est 17h19, le Soleil se couche sur Montréal. La Lune, presque pleine, s’est levée deux heures plus tôt et est déjà visible. Alors que les minutes passent, elle se détache de plus en plus de la lueur tombante du crépuscule. Bientôt, nous découvrirons le compagnon nocturne de la Lune en ce soir de la Saint-Valentin. Qui cela peut-il bien être ?
Est-ce une planète ?
Très près de l’horizon, à seulement 5 degrés de hauteur 30 minutes après le coucher du Soleil, votre œil pourrait capter l’ultime éclat de Jupiter dans la lueur encore vive de l’astre solaire. Plus tôt dans le mois, le 2 février, nous avions pu observer le mince premier croissant de Lune (à peine un jour et demi après la nouvelle lune), entre Jupiter et l’horizon sud-ouest. Mais ce soir, Jupiter se prépare pour un autre rendez-vous. Après des mois de présence dans le ciel du soir, la planète géante s’apprête à sortir de scène pour quelques semaines, noyée par le Soleil le temps de sa conjonction supérieure.
Avec le déclin de Jupiter, il faudra attendre jusqu’à la fin de l’été avant de retrouver des planètes brillantes en soirée. Les lève-tôt ne seront toutefois pas en manque de planète. À la fin de la nuit, soit vers 5 heures du matin à la mi-février, l’éclatante Vénus se lève à l’horizon sud-est. Ces jours-ci, elle atteint d’ailleurs presque 20 degrés au-dessus de l’horizon pendant l’aube, la hauteur maximale de toute son apparition matinale qui se poursuivra jusqu’en octobre.
Quelques minutes après le lever de Vénus, sous la brillante planète, nous remarquons Mars qui la suit. Elle aussi dans la constellation du Sagittaire, la petite planète rouge apparaît cependant beaucoup plus faible. Les deux planètes se rapprochent l’une de l’autre jusqu’au milieu du mois prochain, et elle seront en conjonction en longitude le 18 février.
À 6 heures du matin, un troisième corps céleste entre dans la danse. Un petit objet rocheux, sans atmosphère, dont la surface grise est criblée de cratères. La Lune ? Non, c’est plutôt Mercure, beaucoup plus lointaine et subtile. Mercure ne rivalisera bien sûr jamais avec la Lune dans notre ciel, mais les matins de la mi-février, entourant l’élongation maximale de la planète le 16, seront les meilleurs moments pour l’observer cet hiver.
Ce n’est qu’à la fin de février que la Lune décroissante se joindra au trio de planètes, Vénus, Mars et Mercure. Les paparazzis planétaires seront à l’affût de plusieurs beaux alignements du 26 au 28 février aux aurores.
Il faut donc porter notre regard au-delà du système solaire pour trouver le valentin de la Lune.
Est-ce une étoile ?
Nous voici de retour en début de soirée le 14 février. Pendant que notre regard tourné vers le coucher de Soleil tente de repérer Jupiter dans les couleurs du crépuscule, derrière nous, à l’est, les plus brillantes étoiles du ciel d’hiver apparaissent tout doucement, une à une.
Sirius, dans la constellation du Grand Chien, est l’étoile la plus brillante de la voûte céleste; elle brille de mille éclats à seulement une douzaine de degrés d’altitude au sud-est. Capella, beaucoup plus haute dans le ciel (environ 70 degrés) et un peu plus à l’est, est l’étoile la plus brillante de la constellation du Cocher.
Rigel, d’un éclat blanc bleuté, et Bételgeuse, iconiquement rougeâtre, font toutes deux partie de la fameuse constellation d’Orion, légèrement à l’ouest de Sirius et une vingtaine de degrée plus haute que cette dernière. Procyon, plus à l’est et légèrement plus haute que Sirius, est la seule étoile très brillante de la constellation compacte du Petit Chien.
Aldébaran du Taureau, bien haute au sud-est (~60°) au-dessus des étoiles d’Orion, est une autre étoile d’un éclat rouge caractéristique. Pollux et Castor, les Gémeaux, apparaissent à une quarantaine de degrés de hauteur franc est, entre le Cocher (Capella) et le Petit Chien (Procyon).
Toutes ces étoiles hivernales nous apparaissent avant même que le ciel ne soit assez noir pour repérer la Grande Ourse. Elles se rassemblent d’ailleurs pour former une figure surnommée l’Hexagone d’hiver, dont Sirius, Rigel, Aldébaran, Capella, Pollux et Procyon marquent les six sommets, avec Bételgeuse au centre.
La Lune fréquente d’ailleurs régulièrement l’Hexagone d’hiver. Mais parmi ces sept étoiles, une seule, Aldébaran, a parfois l’honneur de recevoir la Lune le temps d’une conjonction, voire même une rare occultation. Est-ce l’heureuse élue de la Lune en cette douce soirée du 14 février ? Le 9, notre satellite se trouvait d’ailleurs pas trop loin de là, occultant même l’étoile Kappa du Taureau, entre Aldébaran et les Pléiades. Hélas, Aldébaran devra patienter jusqu’en 2033 pour sa prochaine danse avec Séléné.
Avec la nuit qui s’installe de plus en plus, continuent ainsi à apparaître d’autres étoiles. La casserole de la Grande Ourse nous guide vers l’étoile Polaire. Entre Rigel et Bételgeuse, les trois étoiles de la ceinture d’Orion se montrent à leur tour. Elles tracent une ligne inclinée qui pointe vers le bas et à gauche en direction de Sirius; vers le haut et à droite, la ceinture vise Aldébaran. En prolongeant cette ligne par-delà Aldébaran, nous croisons un petit groupe d’étoiles, l’amas des Pléiades.
Est-ce un objet céleste ?
À la fin du crépuscule astronomique, environ une heure et demie après le coucher du Soleil, nous remarquons qu’à l’est, la Lune brille dans une région du ciel dépourvue d’étoiles brillantes : la constellation du Cancer. En fait, on reconnaît la timide constellation du zodiaque par ses voisins exubérants, les Gémeaux avec le duo Castor et Pollux à sa droite et, à sa gauche, le Lion avec sa tête en forme de point d’interrogation inversé. Le Cancer, lui, a un charme plus subtil, mais qui pique droit au cœur…
Niché au centre de la constellation, l’amas de la Ruche (M44) est un amas ouvert, un groupe d’environ mille jeunes étoiles encore liées gravitationnellement après leur naissance. Par une nuit sans Lune, dans un ciel de campagne, il apparaît à l’œil comme une tache de lumière diffuse et embrumée. Mais la Lune ce soir ferait pâlir le plus fier des amas. Aux jumelles cependant, nous voyons clairement l’essaim 3 degrés sous la Lune, deux fois plus étendu que celle-ci, comme s’il la portait dans ses bras. Vous y trouverez des dizaines d’étoiles scintillantes comme de magnifiques cristaux. Le voilà donc, le doux cavalier qui fera chavirer la Lune ce soir ! Du moins, le temps d’une lune de miel...
Bonnes observations !